jeudi 22 septembre 2011

Tuer un meurtrier c'est en devenir un.

L'affaire Troy Davis a touché énormément de gens. Mais je ne vais pas parler de Troy Davis, d'autres le font mieux que moi et surtout d'autres sont mieux informés que moi sur le sujet.


Je vis dans une famille où mes 2 parents ne sont pas d'accords sur la peine de mort. Mon père estime qu'on devrait tuer les assassins, castrer les violeurs, torturer les pédophiles. Ma mère est contre tout ça, parce que "c'est devenir comme eux".
J'ai longtemps été partagé entre les deux opinions. Il est clair que si quelqu'un de ma famille était assassiné ou violé j'aurais la rage au ventre et souhaiterais que le responsable souffre.

En 2008 j'étais en Terminale et nos profs nous ont organisé une sortie au Centre d'Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon. Une sortie que je n'oublierai jamais tant elle m'a marquée.

Programme de la visite :
- 10min du procès de Klaus Barbie
- Visite de l'exposition avec passage dans un wagon de déportation (et quand tu rentres dans le wagon tu te prends une jolie gifle qui te dit "t'as vu? tu marches là où des gens sont morts")
- Rencontre avec un ancien résistant.


Le procès Klaus Barbie :

C'était LE truc qui m'a complètement retourné, le machin qui te fout ta journée en vrac alors qu'il n'est que 10h du matin.
10min c'est long, très long. 10minutes de témoignages d'hommes et de femmes qui viennent à la barre pour raconter ce qu'ils ont subis, ce qu'ils ont vécus.
J'ai pleuré. J'ai essayé de me retenir parce qu'il y avait toute ma classe, mais j'ai pleuré. En silence. En essayant de me cacher du mieux que je pouvais.
J'ai pleuré quand une femme est venu raconter qu'elle était dans un camp de concentration et que le matin le camp des femmes rencontrait le camps des hommes pendant la promenade.
On retrouve en 1993, un extrait de la déposition de Madame Simone Lagrange (Kadoshe) : " Tout d'un coup, au camp, parmi les prisonniers, j'ai aperçu mon père. Elle s'arrête. Jette un œil vers ses frères et sœurs, dans la salle, et l'on pressent qu'elle ne leur a jamais raconté ce qu'elle va raconter. " Un allemand m'a dit : c'est ton père ? Va l'embrasser ! Il a fait signe à mon père, qui s'est approché. Il l'a fait mettre à genoux, et… Elle s'arrête encore. Et il lui a tiré une balle dans la tête . "
(source)

 Cette cruauté, cette inhumanité, les larmes de cette femme qui n'avait jamais dit à personne ce qu'il s'était passé, qui a gardé ce secret pour protéger son frère et sa soeur, c'est un truc qui te retourne les tripes, qui te les liquéfient, qui te fait prendre conscience que c'est arrivé pour de vrai, tu le savais déjà mais là tu te prends la réalité en pleine tronche et tu découvres la souffrance d'un individu qui la partage avec toi.

Mais ce n'est pas là où je voulais en venir.

Je ne sais plus si c'est cette femme ou si c'est celle qui nous racontait que les SS lâchaient les bergers allemands pour qu'ils la violent ou si c'est encore une autre, mais il y en a une qui a dit (approximativement, j'ai pas réussi à trouver de vidéos du procès) que malgré ce qu'elle a subit, que malgré la souffrance qu'elle a vécu encore, qu'elle vit encore, malgré les cauchemars, elle ne souhaite pas qu'il soit torturé ou assassiné, parce qu'elle ne veut pas être comme lui, un monstre barbare qui prends la vie à quelqu'un, elle souhaite que la justice fasse son travail et qu'il soit emprisonné, qu'il paye pour ses crimes.

Une grande leçon d'humanité, une femme qui a tellement subit et pourtant qui ne souhaite pas la peine de mort.

C'est ce jour là j'ai compris que c'était ma mère qui avait raison. Que la peine de mort ça revenait à devenir un monstre comme celui qu'on élimine. Condamner un homme à l'injection létale c'est devenir un meurtrier, assister à l'exécution c'est être complice de meurtres.
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4 commentaires:

  1. Waoh... Comment peut-on être aussi cruel... Comment peut-on survivre à une telle horreur...

    Ce qui est positif dans ton article c'est que cela prouve que les sorties scolaires peuvent être utiles.

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  2. Utiles ça oui. La rencontre avec le résistant de 80ans (il était né la même année que mon grand-père) m'avait beaucoup émue aussi, ce petit papi qui nous racontait ce qu'il avait fait et comment il avait échappé de peu à la déportation, c'était beau, c'était prenant.

    Le plus cruel dans le film c'était de voir Klaus Barbie qui souriait en écoutant les témoignages, dans la classe on s'est tous regardés en murmurant "il sourit".

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  3. C'est vraiment ... Ça prend aux tripes quoi.

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  4. franchement je te rejoins entièrement ... ton discours est le mien ... il n'y a qu'une chose en revanche que je ne sais pas ... maintenant je suis jeune maman et si on touchait à un cheveu de mes filles, aurais-je la force de ne pas devenir à mon tour la barbare, je ne sais pas !

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